C’est l’heure de pointe des commandes sur la plateforme Uber Eats. Et pourtant, la dizaine de livreurs ne bougera pas, en raison d’un mouvement social. Les grévistes dénoncent la rémunération «devenue trop basse depuis le 2 novembre».

Midi, vendredi 10 novembre, ils sont une dizaine aux abords du KFC de la zone commerciale de Venette. C’est l’épicentre des enseignes de restauration rapide du Compiégnois. «C’est en vigueur depuis le 2 novembre, mais nous n’étions pas au courant», dit Achraf Nabalsi, l’un des livreurs en grève.

Selon le tarif normal, la prise en charge (retraite de la commande chez le restaurateur) est rémunérée 1,90€. La rémunération pour la livraison est de 95 centimes d’euro. Et le prix de la livraison répond à un forfait de 0,77€ le kilomètre.

«Des tarifs dont on ne comprend pas le calcul»

«Selon ces forfaits, cette course de 6,9km devrait me rapporter 8,16€, calcule Achraf Nabalsi. Au lieu de ça, l’algorithme me fixe un tarif de course à 6,31€. Et on ne comprend même pas pourquoi.»

Pendant qu’Achraf explique cette injustice, une sonnerie retentit sans arrêt. Il s’agit des notifications de commandes d’un livreur. Son téléphone portable semble s’affoler. Il y a une trentaine de restaurants partenaires sur le Compiégnois. «Le manager de ville Uber Eats vient de recevoir une alerte “zone rouge”, commente Achraf. On le sait parce qu’un collègue l’a eu au téléphone. Nous, on essaie de l’appeler depuis ce matin. Mais il ne répond qu’à ceux qui travaillent.»

Cette grève doit durer deux jours, vendredi 10 et samedi 11 novembre. «C’est un sacrifice, disent-ils. On n’est pas payé pendant ce temps-là. Mais bon, à ce niveau, ça devient de l’esclavage…» Un livreur montre son téléphone : «Regardez cette commande, vu le montant proposé pour le livreur, aucun ne peut la prendre…»

90 livreurs Uber Eats dans le Compiégnois

Il y a dans le Compiégnois environ 90 livreurs Uber Eats déclarés. Ils livrent jusqu’à Thourotte. «Impossible, sur un territoire comme le Compiégnois, de tout faire à vélo», insistent-ils. «Je fais jusqu’à 250km par jour, reprend l’un d’eux. Le gasoil, environ 20€ par jour, c’est de notre poche. Avec les charges Urssaf à 22%, on ne peut pas s’en sortir. Il y a deux ans, c’était encore rentable. On pouvait se faire au-dessus du SMIC.»

Les livreurs ont obtenu un salaire minimal de 11,75€ de l’heure. «Ce n’est pas parce qu’on ne livre pas qu’on ne travaille, dit Achraf. On reste là, on attend la commande…» Il y a des commandes que les livreurs refusent de prendre, car elles sont sous-rémunérées.

De manière générale, les livreurs Uber Eats déplorent un décalage entre ce qui leur est promis et leur fiche de paie. «On attend toujours les bonus “intempéries”, en cas de forte chaleur, par exemple…» précise le livreur. Ça peut être 1€ de l’heure.

Douze heures de travail par jour

Le tout pour une amplitude quotidienne d’une douzaine d’heures. «Ça fait du 3 à 4€ net de l’heure, calcule un autre. Ça a diminué de plus de la moitié, soit 70€ pour douze heures de travail.» «Et tous les jours, en plus, on a des familles à faire vivre…», disent les livreurs, qui ont tous un statut d’auto-entrepreneur.

«Au final, cette nouvelle tarification est censée augmenter le chiffre d’affaires des livreurs, mais c’est tout le contraire», reprend Achraf.

Les livreurs regrettent l’arrêt du système de notation des clients. «Quand l’un d’eux est impoli ou ne paie pas, ça peut bloquer son compte, explique-t-il. En revanche, le client peut toujours noter le livreur.» Cela peut instaurer une relation de confiance et de fidélité entre un livreur et l’acheteur. «Quant aux pourboires, cela reste très aléatoire», dit-il.

Le temps du covid est loin pour ces travailleurs précaires, alors en première ligne. «C’est grâce à nous que les restaurants travaillaient, et que les travailleurs mangeaient, se souvient-il. Cela ne nous empêchait pas d’être embêté par la police.»

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