Après les annonces d’Emmanuel Macron, ce jeudi 4 mai à Saintes, sur la réforme du lycée professionnel, certains professionnels ont des réserves, notamment sur la rémunération des élèves et la baisse du volume des enseignements académiques. D’autres dénoncent carrément une « catastrophe intellectuelle et sociale ».
Une annonce et beaucoup de questions. Alors qu’Emmanuel Macron a détaillé la réforme du lycée professionnel, jeudi 4 mai, à Saintes, en Charente-Maritime, l’accueil de la part des personnels éducatifs est tiède.
Malgré le milliard d’euros d’investissement par an promis par le chef de l’Etat, censés permettre à chaque élève de « trouver un bon métier », avec « du sens », certaines mesures ont du mal à passer. C’est le cas de la rémunération des élèves en stage de 50 à 100 euros par semaine.
« C’est un véritable scandale », dénonce Nathalie Delaunay, secrétaire de SUD éducation Loiret. « On déconstruit complètement le lycée professionnel en confiant à des entreprises une importante partie de la formation de nos élèves, qui seront rémunérés entre 1.4 et 2.8 euros de l’heure ».
Pour cette professeure de lettres dans un lycée professionnel de l’agglomération orléanaise, les enseignements généraux sont menacés par cette réforme, alors que les conditions de travail et d’enseignement sont de plus en plus difficiles.
« Les élèves préfèrent se tourner vers l’apprentissage, avec une façon de travailler peu adaptée aux élèves qui ne sont pas encore autonomes », poursuit Nathalie Delaunay, qui craint une migration des élèves vers les missions d’intérim et les petits boulots.
Les réactions sont plus modérées du côté de Stéphane Bolo-Lumbroso, secrétaire départemental du Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale (SNDPEN), qui répond « pourquoi pas » à la gratification des élèves. À condition toutefois « que cela responsabilise plus les élèves et valorise leur engagement ».
Les élèves, poursuit-il, ont besoin d’un accompagnement financier, ne serait-ce que pour acheter les tenues professionnelles par exemple. En revanche, rien n’a été annoncé sur les modalités de financement et de contrôle de ces fameuses indemnités de stage.
« On ne veut pas que ça retombe sur les finances des lycées et il faut contrôler la présence effective des élèves en entreprise », détaille Stéphane Bolo-Lumbroso, qui ne souhaite pas non plus que les entreprises y mettent de leur poche, au vu de la difficulté à trouver des structures d’accueil pour les élèves.
Pour Eric Hans, directeur du groupe scolaire privé Sainte-Croix-Saint-Euverte, « les intentions sont louables concernant la reconnaissance et l’attractivité de la filière professionnelle », mais l’inquiétude demeure en ce qui concerne la baisse du volume d’heures des enseignements généraux comme le français ou les mathématiques.
« Ce que les enseignants et établissements craignent, c’est qu’il y ait une volonté glissée de confier aux entreprises la formation des jeunes, alors que c’est dans les lycées qu’on trouve la formation générale sur le long terme », ajoute le chef de l’établissement privé, quand Stéphane Bolo-Lumbroso voit d’un bon œil la possibilité de proposer quatre semaines de cours ou de stage supplémentaires en fonction des besoins des élèves.
Eric Hans trouve quant à lui que cette souplesse est « intéressante sur le principe », mais qu’entre la clôture des inscriptions à Parcoursup en mars et les examens de fin d’année en mai, « il faudra savoir un an et demi en avance ce que veulent faire les élèves ».
Dans le rang des possibles bonnes idées figure aussi la mise en place, dès la classe de 5e, d’un « temps dédié à la découverte des métiers », selon les propres mots d’Emmanuel Macron.
« Contrairement aux enseignements généraux, les formations professionnelles et technologiques sont très mal connues », indique Eric Hans, déplorant les « représentations péjoratives » de filières comme l’industrie, l’agriculture ou l’artisanat.
Le directeur du groupe scolaire privé Sainte-Croix-Saint-Euverte organise déjà des mini-stages en entreprise pour les collégiens, sur un « modèle d’expérimentation par soi-même ». « Formater les élèves dès la 5e à la compétitivité et à la recherche d’emploi, c’est une catastrophe intellectuelle et sociale », déplore de son côté Nathalie Delaunay.
Enfin, chacun s’accordent à dire que le statut des professeurs doit être plus reconnu pour espérer faire bouger les lignes dans les lycées professionnels. Aux augmentations salariales promises par Emmanuel Macron, Eric Hans réclame un « aggiornamento » sur le statut des enseignants, quand Nathalie Delaunay n’attend qu’une chose : le dégel du point d’indice. Si le décrochage des élèves monte à 30% dans les lycées professionnels, celui des professeurs pourra être donc tout aussi inquiétant dans les années à venir.
Emmanuel Macron n’a ainsi rien annoncé au sujet des faibles salaires d’entrée des nouveaux enseignants, pourtant diplômés d’un BAC+5, et aucune directive du ministère au sujet de la réforme n’a encore été communiquée aux établissements.« Rien de nouveau sous le soleil », conclut Eric Hans, déplorant la « communication politique » d’Emmanuel Macron et le silence de Pap Ndiaye, le ministre de l’Éducation. Stéphane Bolo-Lumbroso estime lui « difficile » la mise en œuvre des annonces, à quatre mois seulement de la rentrée scolaire.
D’ici-là, des manifestations syndicales contre la réforme devraient voir le jour au début du mois de juin, selon le souhaite de SUD éducation Loiret.
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