L’incapacité de Transat A.T. à rembourser l’aide gouvernementale pandémique oblige ses dirigeants à renoncer à de généreuses primes même si elles ont été promises. Près d’un demi-million ont glissé entre les doigts de sa présidente et cheffe de la direction, Annick Guérard, l’an dernier, et ce n’est peut-être pas fini.
Ce constat figure dans la circulaire de sollicitation envoyée aux actionnaires du spécialiste du voyage d’agrément en vue de l’assemblée annuelle prévue le 23 avril prochain. Le document révèle également que la paye globale – qui tient compte du salaire de base et des autres avantages – de ses cinq principaux dirigeants s’est élevée à 5,2 millions en 2022. La présidente a eu droit à un traitement de 1,9 million, ce qui tient compte de la valeur de son régime de retraite (1,3 million).
Les dettes de l’entreprise à l’étoile bleue envers Ottawa ont privé Mme Guérard d’un paiement de 489 523 $ qui lui avait été promis en 2020, lorsqu’elle était la numéro deux de l’organisation. Il s’agissait d’une sorte de prime de rétention au moment où Air Canada proposait d’acheter Transat – un mariage qui a avorté en avril 2021.
« Elle n’a donc pas pu percevoir ce montant », précise la circulaire.
La société mère d’Air Transat fait partie des entreprises qui se sont tournées vers le Crédit d’urgence pour les grands employeurs (CUGE) pour traverser la pandémie. Offert sous forme de prêt, ce soutien s’accompagne de conditions, comme le plafonnement du salaire de base des hauts dirigeants et l’interdiction des octrois fondés sur des actions ou des options sur des titres, notamment.
Offrir maintenant, payer plus tard
Pour récompenser ses cinq principaux patrons malgré les restrictions fédérales, Transat a opté pour les primes différées. Elle leur offre, depuis 2021, un « boni » payable trois ans après la date où il aurait normalement été versé. L’an dernier, la somme s’est établie à 1,5 million et totalise 4 millions depuis trois ans. D’autres paiements devraient avoir lieu cette année, à condition que les prêts obtenus par le CUGE soient remboursés. Le voyagiste et transporteur aérien a cependant du pain sur la planche.
« On parle de sommes importantes, souligne François Dauphin, directeur de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP). Si la tendance se maintient, la privation des membres de la haute direction risque de se poursuivre. »
Transat doit remettre quelque 745 millions au gouvernement fédéral, en tenant compte des remboursements à effectuer (353 millions) en crédits de voyage. Pour faire disparaître les restrictions du CUGE, la somme à rembourser est de 392 millions. Le taux d’intérêt d’une des facilités de crédit (327 millions) a grimpé de 3 points de pourcentage depuis le début de l’année pour atteindre 8 %. L’échéance de ce prêt est prévue en 2026.
Pas de changement en vue
Pour l’instant, le spécialiste du voyage d’agrément semble vouloir repousser les différentes échéances de ses facilités de crédit, selon ce qu’a indiqué son nouveau chef de la direction financière, Jean-François Pruneau, le 14 mars dernier, en conférence téléphonique avec les analystes visant à commenter les résultats du premier trimestre. Cela signifie que le cadre du CUGE ne semble pas près de s’assouplir, ce qui pourrait s’avérer coûteux pour Mme Guérard et les autres hauts dirigeants à qui des primes différées sont promises depuis 2021.
« Transat travaille à l’élaboration d’un plan de refinancement et la direction indique qu’elle est en pourparlers, mais il y a peu de nouveau à signaler, si ce n’est que la compagnie cherche à obtenir une prolongation d’un an de ses facilités de crédit », soulignait l’analyste Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale, dans un rapport.
Les mois de novembre, décembre et janvier – le premier trimestre de l’exercice financier de Transat – ont été marqués par des imprévus. Le voyagiste et transporteur aérien a creusé sa perte après avoir vu les réservations des clients fléchir en raison d’une menace de grève de ses 2100 agents de bord en « période de pointe ». Il a aussi été rattrapé par les problèmes de moteurs Pratt & Whitney, qui ont cloué au sol le quart de ses Airbus A321LR.
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- 61 millions
- Perte nette de Transat au premier trimestre
source : transat a.t.- 785 millions
- Revenus trimestriels de l’entreprise
source : transat a.t.
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