La salle du tribunal de la jeunesse bourdonne d’activité. Les dossiers se succèdent à un rythme effréné. Me Esther Sterling, l’une des avocates qui représentent la DPJ, ramasse ses papiers et se lève pour exposer un cas particulièrement urgent : un bébé toxicomane né il y a une semaine, dont le dossier a été pris en charge par les intervenantes en protection de la jeunesse.
La mère consommait de la drogue pendant sa grossesse et était sous l’effet du speed pendant l’accouchement. Lorsqu’elle a eu son congé de l’hôpital, le poupon est resté hospitalisé pour recevoir des soins liés à son exposition aux stupéfiants. Depuis une semaine, la mère n’est pas revenue le voir. On l’a avisée qu’une audience aurait lieu devant une juge pour traiter de la garde du bébé, mais elle est absente.
« Elle a dit qu’elle ne peut pas venir parce qu’elle déménage aujourd’hui », explique l’intervenante de la DPJ appelée comme témoin. La mère a toutefois confirmé qu’elle est d’accord pour que son bébé soit placé en famille d’accueil. C’est son sixième enfant qu’on lui enlève.
Me Ève Sasseville, une autre avocate représentant la DPJ, se lève à son tour. Elle présente le cas d’une fillette de 3 ans que les policiers ont retrouvée deux fois seule, errant dans les rues. La DPJ craint qu’elle soit abordée par une personne mal intentionnée ou qu’elle se fasse renverser par une voiture si sa famille ne se reprend pas en main.
Rythme soutenu
Le rythme ne faiblit pas de la journée. Les avocates de la DPJ interrogent les témoins, déposent des rapports en preuve, négocient des ententes.
Avec l’accord du tribunal, La Presse a pu observer pendant une journée les procédures dans la salle de la Chambre de la jeunesse qui traite les urgences concernant la sécurité et le développement des mineurs. Les médias ont très rarement accès à cet étage du tribunal où plusieurs mesures sont en place pour protéger l’identité des enfants.
Devant la juge, les avocates de la DPJ (ce sont très majoritairement des femmes) font face à des avocats de l’aide juridique qui représentent le mineur ou ses parents. Ceux-ci ont obtenu cette année des hausses de salaire qui leur ont fait atteindre la parité avec les procureurs de la Couronne relevant du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP). Des procureurs du DPCP travaillent d’ailleurs aussi à un autre étage en Chambre de la jeunesse, dans les cas où des adolescents font face à des accusations.
Le seul de ces groupes à conserver un retard sur les autres est celui des avocates de la DPJ. Elles ne relèvent pas du ministère de la Justice comme les autres, mais du ministère de la Santé et des Services sociaux, à travers les CISSS et CIUSSS. Et elles gagnent plusieurs dollars de moins l’heure. Les avocats qui s’occupent des cas de santé mentale lourds devant faire l’objet d’ordonnances judiciaires sont dans la même situation.
Un enjeu rarement discuté publiquement
« Bien que ceux-ci aient le fardeau de la preuve, qu’ils travaillent dans les mêmes cours de justice, avec la même clientèle, souvent dans les mêmes dossiers, autour de la même table, les avocats des CISSS et des CIUSSS reçoivent un salaire de plusieurs milliers de dollars moindre que leurs homologues », déplorait récemment un groupe de juristes dans une lettre ouverte dénonçant le « deux poids, deux mesures pour les avocats protégeant les plus vulnérables de la société ».
Le Conseil du trésor, joint par La Presse à ce sujet, a préféré ne pas commenter les négociations en cours. Dans le cadre du renouvellement des conventions collectives du secteur public, l’enjeu est rarement discuté publiquement.
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Me Esther Sterling
On ne se sent pas entendues par le Conseil du trésor. Sonia LeBel a reconnu le caractère essentiel de l’aide juridique, mais nous aussi, on veut une reconnaissance.
Me Esther Sterling
L’avocate dit avoir choisi la protection de la jeunesse parce que la mission lui semblait essentielle, malgré les difficultés. « Ça rejoint mes valeurs et ça me tient à cœur, la protection de l’enfance. Même si on se fait ramasser par certains parents, même si certains font des plaintes contre nous au Barreau, même si ça parle de nous sur les réseaux sociaux et que la charge émotive est très élevée », dit-elle.
Elle a toutefois vu plusieurs collègues quitter leur emploi parce qu’elles trouvaient des situations plus payantes ailleurs. « Beaucoup sont parties pour le DPCP ou pour le privé, pour des questions financières », dit-elle.
« Pas à armes égales »
« On est confrontées à une injustice. On n’a pas la prétention de travailler plus que les autres, mais on travaille énormément et on voit nos collègues de l’aide juridique qui gagnent plus », renchérit Ève Sasseville.
Les journées où elle doit s’occuper des urgences en salle d’audience, Me Sasseville arrive au travail entre 7 h et 7 h 30 pour étudier tous ses dossiers avant l’arrivée du juge.
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Me Ève Sasseville
La pratique à volume, c’est à la fois difficile et motivant. Nos journées passent rapidement, les tâches sont diversifiées. La nature des dossiers, ça peut être difficile. Ça use. Mais il y a aussi de belles histoires dans tout ça.
Me Ève Sasseville
« Ce qui est triste, c’est qu’on ne compétitionne pas à armes égales face aux autres établissements, au DPCP, à l’aide juridique. Lorsqu’on fait des affichages, il n’y a pas d’avocats d’expérience qui sont attirés », déplore Me Isabelle Loranger, coordonnatrice de l’équipe d’avocates en protection de la jeunesse au CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal.
La coordonnatrice se réjouit tout de même de pouvoir compter sur une équipe dévouée qui demeure fidèle au poste. « Les personnes qu’on est capable de retenir, ce sont les junkies d’adrénaline. Je trouve qu’on fait un travail fascinant. On ne s’ennuie pas, ici. »
Des avocates de la DPJ à propos de leur travail
Me Isabelle Loranger
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Me Isabelle Loranger
« Ce fut toute une épreuve, rebâtir l’équipe après les derniers départs. On n’avait pas de candidats ! Il y a quelqu’un qui est resté juste une journée… Ce n’est pas un travail pour tout le monde. S’il y a eu une alerte AMBER ou un féminicide la veille, il faut agir vite le matin. On les trouve parfois en larmes. Émotivement, ça peut être très exigeant. »
Me Sarah Milot
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Me Sarah Milot
« Je n’échangerais ma place pour rien au monde. Si j’avais le choix, je passerais tout mon temps au palais de justice. Mais on a perdu des gens au profit du DPCP et de la pratique privée. On a trois postes à combler à Longueuil en ce moment et c’est difficile. »
Me Laura Brochu
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Me Laura Brochu
« Je faisais des divorces, avant, en pratique privée. C’était correct, mais on ne se sentait pas toujours aussi utiles. Dans mon travail maintenant, il y a un sentiment d’accomplissement. Mais on a des gens qui sont partis pour de meilleures conditions ailleurs. »
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