Les actionnaires du constructeur automobile Stellantis ont validé mardi à 70,2% des voix la rémunération du directeur général du groupe, Carlos Tavares, qui pourra atteindre 36,5 millions d’euros pour l’année 2023 – un vote purement consultatif. Cette rémunération comprend une prime de 10 millions d’euros liée à la transformation du groupe créé en 2021 de la fusion de PSA et de Fiat-Chrysler, des pensions de retraite qui seront versées sur le long terme, mais aussi des bonus attribués seulement s’il est au rendez-vous d’objectifs fixés pour 2025, dernière année de son mandat actuel. La rémunération du patron est en hausse de 56% par rapport à l’année 2022.
Des résultats records
Au titre de l’exercice 2023, Carlos Tavares touchera dans un premier temps 23,5 millions d’euros. Versée en grande partie en actions, cette rémunération augmente aussi avec la valeur du titre du groupe, qui a quasiment doublé depuis trois ans. Avec ses 14 marques dont Peugeot, Citroën, Fiat, Dodge et Opel, Stellantis a publié un nouveau bénéfice record de 18,6 milliards d’euros pour 2023, en hausse de 11% sur un an. Son chiffre d’affaires s’approche de 190 milliards d’euros.
Le géant automobile affiche des résultats records depuis la fusion grâce à une maîtrise drastique des coûts impulsée par le patron portugais et des prix élevés qui permettent d’atteindre des marges confortables.
« Comme pour un joueur de foot et un pilote de Formule 1 »
Carlos Tavares s’était attiré dès 2022 les foudres du président français Emmanuel Macron, qui avait jugé « choquant et excessif » le montant « astronomique » de sa rétribution. Stellantis estime de son côté qu’il faut plutôt comparer cette rémunération avec celles de multinationales comme Boeing aux Etats-Unis (Dave Calhoun, 33 millions de dollars pour 2023). Le groupe réalise en effet la majorité de ses ventes en Europe, mais tire l’essentiel de ses profits du marché américain.
En déplacement lundi à l’usine de Trémery en Moselle, Carlos Tavares a assumé cette rémunération, qui, a-t-il dit, a « une dimension contractuelle entre l’entreprise et moi comme pour un joueur de foot et un pilote de Formule 1 ». « 90% de mon salaire est fait par les résultats de l’entreprise, (…) donc cela prouve que les résultats de l’entreprise ne sont apparemment pas trop mauvais », a ajouté Carlos Tavares au micro de France Bleu Lorraine Nord. « Si vous estimez que ce n’est pas acceptable, faites une loi et modifiez la loi et je la respecterai ».
Le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale Boris Vallaud l’a pris au mot en annonçant déposer à nouveau une proposition de loi datant de 2020 visant à limiter les écarts de rémunération au sein des entreprises.
Abstention de l’Etat français
Les actionnaires avaient rejeté la rémunération de Carlos Tavares pour l’exercice 2021 avant de la valider pour 2022 à près de 80%. Plusieurs sociétés de conseil aux investisseurs avaient recommandé de voter contre cette année, dont l’agence américaine Glass Lewis qui a émis « de sérieuses réserves ». Même position à l’agence Proxinvest. Au sein des dirigeants du CAC40, « la médiane est à cinq millions » d’euros de rémunération, et aux Etats-Unis celle-ci atteint 15 millions, a remarqué son directeur général Charles Pinel sur BFM Business lundi.
La CGT Stellantis a décrié un salaire « totalement choquant et scandaleux », équivalant à 100.000 euros par jour, « une augmentation de près de 50%, quand la plupart d’entre nous ont eu seulement 3,7%, et galèrent pour finir le mois ».
Le géant automobile a indiqué le 15 février qu’il allait redistribuer près de 1,9 milliard d’euros à ses salariés dans le monde. Les actionnaires recevront autour de 7,7 milliards d’euros pour l’exercice 2023. Le premier actionnaire de Stellantis est la holding Exor de la famille Agnelli (14,2%), suivie de celle de la famille Peugeot (7%) et de l’Etat français via Bpifrance (6%).
Le directeur général de la banque publique d’investissement, Nicolas Dufourcq, avait indiqué fin mars qu’il « s’abstiendrait sur ces questions de rémunération », alors qu' »on est arrivé à des niveaux qui sont effectivement à l’américaine, pour un groupe qui est essentiellement américain, mais qui peuvent en effet ne pas être tout à fait compris en Europe ».
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