En 2021, la rémunération des grands patrons avait atteint des records. Carlos Tavares, directeur général du groupe automobile Stellantis, avait crevé tous les plafonds avec une rémunération totale de 66,7 millions d’euros, selon les calculs du cabinet de conseil aux investisseurs Proxinvest.
Précision importante, cette estimation imputait sur 2021 la rémunération de long terme avec l’ensemble des actions promises si Carlos Tavares remplissait ses objectifs sur plusieurs années. Un montant qui avait suscité la polémique jusqu’au sommet de l’État : « C’est choquant, c’est excessif », avait déclaré Emmanuel Macron.
Une rémunération en hausse de 29 % par rapport à 2019
Après cette année record, les millions allaient-ils continuer de pleuvoir en 2022 sur les dirigeants de l’indice SBF 120 qui rassemble les 120 principales entreprises cotées à la Bourse de Paris ? Dans son rapport annuel, rendu public ce mardi 21 novembre, Proxinvest répond en deux temps.
Par rapport à 2021, la rémunération des présidents exécutifs baisse de 6 %. Mais l’année 2021 tout comme l’année 2020 ont été particulières à plus d’un titre (rémunération record en 2021 donc, mais aussi baisse en 2020, de nombreux grands groupes ayant annoncé une réduction de la rémunération de leurs dirigeants lors du premier confinement).
Proxinvest a donc choisi de comparer les chiffres de 2022 avec ceux de 2019. Et là, ce n’est pas une baisse qui apparaît mais une hausse de 14 %. Cette double dynamique s’observe aussi lorsqu’on place la focale sur le CAC 40 qui regroupe les 40 plus importantes capitalisations françaises : la rémunération moyenne totale baisse de 15 % par rapport à 2021 mais augmente de 29 % par rapport à 2019.
Pour aboutir à ces chiffres, Proxinvest a pris en compte l’ensemble des rémunérations attribuées au titre de l’exercice 2022 : fixe, bonus annuel, avantages en nature, stock-options, actions gratuites de performance valorisées à leur date d’attribution…
Si on se concentre uniquement sur la rémunération fixe moyenne, elle atteint des records avec une hausse de 3,6 % dans le SBF 120 et de 2,6 % pour le CAC 40 par rapport à 2021. La rémunération fixe moyenne des grands patrons progresse néanmoins moins vite que l’inflation (5,2 %). Même constat pour le bonus annuel moyen qui culmine à un niveau jamais observé par Proxinvest ( + 1,7 % pour le SBF 120 et + 2,5 % pour le CAC 40). Avec 7,5 millions d’euros, Carlos Tavares décroche le bonus le plus élevé.
Le DG de Dassault Systèmes, patron le mieux payé de France
Au jeu du classement des patrons les mieux payés de France, c’est Bernard Charlès, directeur général de l’éditeur de logiciels Dassault Systèmes qui arrive en tête avec une rémunération totale de 33 millions d’euros. Il est suivi de Daniel Julien, président-directeur général de Teleperformance, groupe spécialisé dans les centres d’appels (19,7 millions d’euros). En troisième position, figure Carlos Tavares (19,6 millions d’euros).
Là aussi, Carlos Tavares se distingue de ses pairs. Cette rémunération totale comprend en effet une attribution d’actions valorisées (d’un montant de 10,1 millions d’euros) dont 25 % ne reposent sur aucune condition de performance. Une pratique qui vient des États-Unis et qui a suscité le mécontentement d’une partie des actionnaires. Elle ne sera d’ailleurs pas reconduite en 2023.
En quatrième position arrive Philippe Guillemot (15 millions d’euros), le PDG de Vallourec, fabricant de tubes en acier. François-Henri Pinault, PDG du groupe de luxe Kering, clôture ce top 5 avec 13,7 millions d’euros. Au total, en 2022, neuf dirigeants ont une rémunération qui dépasse les 10 millions d’euros. C’est un nombre élevé au regard des quatre années précédentes, ils n’étaient alors que quatre.
Un dirigeant du CAC 40 gagne 89 fois plus que ses salariés
Depuis 2014, Proxinvest met en perspective les rémunérations des patrons du CAC 40 en les comparant à celle des salariés. Sur la période 2014-2022, la rémunération des salariés a augmenté de 31 % contre 62 % pour celle des dirigeants.
Selon le ratio d’équité calculé par Proxinvest, un dirigeant du CAC 40 gagne, en moyenne, près de 90 fois plus que ses salariés. Un chiffre en baisse par rapport à 2021 mais qui demeure plus élevé que durant les années précédant la pandémie.
Autre indicateur : le plafond de « cohésion sociale » que Proxinvest fixe à 240 smic. Davantage de dirigeants le respectent mais tout de même 26 le dépassent cette année, soit près d’un quart des patrons du SBS 120. « C’est un signal assez alarmant pour la cohésion sociale » au sein de cet indice, souligne Jehanne Leroy, rédactrice de l’étude. Autrement dit, la rémunération des dirigeants demeure trop déconnectée de celle des salariés.
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