« Découragés », des médecins de famille québécois dans la soixantaine songent à devancer leur retraite si Québec adopte son projet de loi pour lier la rémunération à leur performance. Pour ces professionnels qui ont allégé leur pratique, soit à cause de soucis physiques ou par besoin de ralentir le rythme en fin de carrière, cette réforme envoie un message clair : leur contribution « n’a plus de valeur ».
Le 8 mai dernier, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a déposé le projet de loi 106. Ce texte législatif prévoit entre autres que jusqu’au quart de la rémunération des médecins de famille dépende de leur performance, c’est-à-dire l’atteinte d’objectifs.
Certaines cibles sont nationales, comme le fait d’offrir 18 millions de plages de rendez-vous par an. D’autres sont locales et concernent notamment la couverture de quarts les soirs et la fin de semaine. Ces mesures visent à améliorer l’accès aux soins pour la population. Dans la province, 1,4 million de personnes ne sont présentement pas prises en charge par un professionnel de la santé, indique Santé Québec.
« Si [un médecin] me donne 3 jours de disponibilité, je ne suis pas capable d’avoir de l’accès supplémentaire pour les 8,5 millions de Québécois », a soutenu M. Dubé, sur les ondes d’ICI RDI, après le dépôt du projet de loi. Il a reconnu que la « grande majorité » des médecins travaillent beaucoup. « Mais si on donne moins [d’argent] à ceux qui en font moins, on en aura plus pour ceux qui en font plus. »
Or, l’objectif d’accès aux soins pourrait être mis en péril si des médecins plus âgés — qui ont réduit leur pratique et qui pourraient essuyer une baisse de rémunération — choisissent de mettre fin à leur carrière plus tôt que prévu.
En entrevue avec Le Devoir, le Dr Bernard Gauthier, un médecin de famille montréalais de 67 ans, affirme qu’il prendra « certainement » sa retraite si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle.
L’omnipraticien, qui pratique depuis 41 ans, travaille trois jours par semaine à son cabinet. Une quatrième journée est consacrée à remplir des formulaires. Il raconte avoir réduit sa patientèle de 1500 à 1200 ces dernières années. « C’était trop pour moi. La population vieillit, alors les gens sont plus malades et ça prend plus de temps en consultation. »
« J’aime ma profession. C’est pour cela que je l’exerce même si j’ai presque 68 ans. Alors, de se faire dire qu’on est paresseux et qu’on pourrait en faire plus, ça m’affecte beaucoup », dit-il.
Le Dr Gauthier estime que « l’élastique est tiré au bout déjà ». « C’est évident qu’à moins d’aller plus vite avec chaque patient, c’est-à-dire tourner les coins ronds, on n’y arrivera pas. »
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Problème de « non-reconnaissance »
Le Dr Gauthier ne serait pas un cas isolé, selon le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), le Dr Marc-André Amyot.
« On reçoit beaucoup de courriels de médecins de famille âgés de plus de 60 ans qui disent : “Si c’est comme ça, je vais accrocher mon stéthoscope” », relate-t-il.
Une situation qui inquiète le Dr Amyot, étant donné qu’environ 22 % des quelque 10 000 omnipraticiens québécois ont plus de 60 ans, souligne-t-il.
« Dans le contexte de pénurie d’au moins 2000 médecins de famille au Québec, on essaie de dire à ces médecins de rester encore un peu dans la profession, car on a besoin d’eux. Mais de voir le projet de loi 106 et la non-reconnaissance de leur travail, ça en décourage plusieurs », dit-il.
C’est le cas du Dr Laurent Jacob, 63 ans, qui pratique depuis bientôt 32 ans sa profession qu’il « adore ». Jovial et loquace, le médecin de famille rencontré dans son cabinet à Saint-Hippolyte, dans les Laurentides, devient sérieux lorsqu’il aborde l’objectif de Québec de lier une partie de la rémunération des omnipraticiens à leur performance.
« J’ai besoin d’exprimer ma déception, affirme-t-il. Ce qu’on entend actuellement dans le message du gouvernement, c’est que notre travail n’a pas de valeur. »
« Ce que je fais rend service »
Auparavant, le Dr Jacob prenait en charge plus de 1650 personnes. En 2021, d’importants problèmes de santé l’ont cependant mené à prendre la décision de ne plus avoir aucun patient inscrit à son nom en 2023. « À ce moment, je me disais : “Si je meurs d’un coup, qui va s’occuper de mes patients ?” » relate-t-il.
L’omnipraticien souhaitait toutefois encore soigner des gens, mais sur une base ponctuelle uniquement, car il ne peut pas offrir de « garantie de suivi à long terme ».
Il travaille donc environ 4 jours par semaine et voit 2000 patients différents chaque année, par le biais du Guichet d’accès à la première ligne (GAP). Ce service permet aux Québécois sans médecin de famille ou inscrits à un groupe de médecins d’avoir accès à des consultations.
« J’ai l’impression que ce que je fais rend service. Et je suis prêt à continuer à le faire », affirme-t-il.
Or, l’annonce du projet de loi 106 voulant notamment lier la rémunération à la performance lui a fait l’effet d’une « claque au visage », raconte le Dr Laurent Jacob. Il craint que les médecins qui travaillent selon son modèle soient jugés non performants, et donc moins rémunérés.
« Le projet de loi ne semble pas reconnaître l’effort de participation des médecins qui sont en préretraite ou qui font face à des limitations physiques et qui souhaitent encore contribuer à dispenser des services médicaux. Ça veut dire qu’il n’y a plus de place pour moi ni les autres dans ma situation », déplore-t-il.
Faire les choses « différemment »
Joint par Le Devoir, le cabinet du ministre de la Santé, Christian Dubé, a affirmé qu’encore trop de Québécois n’ont pas accès aux services médicaux quand ils en ont besoin. « Nous devons faire les choses différemment pour avoir des résultats différents et nous souhaitons le faire en collaboration avec les médecins. »
L’équipe de M. Dubé a ajouté que les consultations du projet de loi débuteront le mardi 27 mai. « Nous invitons les médecins à nous faire part de leurs commentaires. »
Le cabinet a rappelé que l’objectif de Québec est de faire en sorte que d’ici l’été 2026, « 100 % » de la population soit inscrite à un milieu de soins, c’est-à-dire un groupe de médecine de famille (GMF) ou un CLSC, et auprès d’un médecin de famille de référence ou d’une infirmière praticienne spécialisée.
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