Dans le courant de l’année, quelque chose de révolutionnaire s’est produit dans le cabinet de conseil parisien où travaille Caroline*, 28 ans. « Quelqu’un a partagé son salaire sur la conversation Teams de notre groupe », souffle la jeune femme. La discussion en question, qui rassemble les consultants de même « grade », réunit une cinquantaine de personnes. En cette période d’inflation, la question des salaires est alors au centre de toutes les discussions. « Nous savons que nos salaires sont fondés sur une grille salariale, mais nous ne la connaissons pas exactement, explique Caroline. La seule information que nous avons, c’est qu’une partie de la rémunération est indexée sur l’école dont on est diplômés. » Ceux des grandes écoles d’ingénieurs ont généralement les salaires le plus élevés, quand les anciens élèves d’écoles de commerce ou de sciences humaines sont moins bien notés. « Ce qui fait que, parfois, on se retrouve avec des situations assez absurdes : un consultant sorti d’une école C peut avoir beaucoup plus d’ancienneté mais être moins bien payé que son collègue tout juste arrivé d’une école A + ! » relate Caroline.
La première révélation de salaire a donc fait souffler un léger vent de rébellion dans les rangs des consultants. « Deux ou trois personnes ont dévoilé à leur tour leur salaire sur la conversation, mais on en a surtout parlé en petits groupes », poursuit-elle. Caroline s’est ainsi servie des informations recueillies pour souligner qu’elle n’était pas satisfaite de sa rémunération lors de son entretien individuel avec son supérieur. « Cela m’a permis d’avoir des informations beaucoup plus précises que si je m’étais simplement fiée à celles des représentants du personnel, estime-t-elle. C’est pour ça qu’on essaie d’être le plus transparents possible entre nous. » En petit comité, Caroline a donc décidé de faire sauter l’interdit autour du montant de son salaire. Mais la transparence sur le sujet ne fait pas l’unanimité : le tabou lié à l’argent reste fort dans les entreprises françaises – et révéler son salaire est toujours un facteur de malaise.
« A travail égal, salaire égal »
Un principe est pourtant établi dans la loi : « A travail égal, salaire égal. » Mais le diable se niche dans les détails : des exceptions permettent effectivement à tout employeur de produire une différence de rémunération « objective » entre deux postes équivalents. Ces exceptions ont été définies dans un arrêt de la Cour de cassation. Elles sont, comme dans le cas du cabinet de Caroline, les diplômes – si l’employeur peut prouver que ces derniers démontrent des connaissances ou des compétences spécifiques –, l’ancienneté, mais aussi « l’expérience ». Des critères suffisamment larges pour permettre des écarts de rémunération qui peuvent parfois ressembler à des gouffres, notamment entre les sexes. D’après les dernières statistiques de l’Insee, publiées en mars 2023, la différence de salaires entre les hommes et les femmes à temps et à postes de travail comparables était de 4 %. Ce décalage est particulièrement marqué chez les cadres (16,1 %) et chez les ouvriers (14,3 %).
Pour combattre les discriminations salariales, 7 pays de l’OCDE sur 10 ont donc mis en place des politiques de transparence des rémunérations depuis le début des années 2000. Il en existe une vingtaine à travers le monde, d’après une étude de Zoë Cullen, professeure à la business school de Harvard. En Norvège, par exemple, pays où les écarts de salaires sont fortement réduits par des accords collectifs, n’importe qui peut connaître le salaire de son voisin… et ce depuis le XIXᵉ siècle. En 2014, ces recherches ne sont toutefois plus anonymisées : s’enquérir de la paie de quelqu’un entraîne un e-mail de notification automatique à la personne concernée.
#Balancetonsalaire
Pas de ça en France : rares sont les entreprises qui affichent – à l’intérieur ou à l’extérieur – les montants de leurs rémunérations. D’après un sondage YouGov management réalisé pour le site Talent.com en septembre 2022, 69 % des Français interrogés indiquaient que les salaires étaient confidentiels dans leur société. Nombre de salariés semblent pourtant de plus en plus ouverts à cette opération de transparence. En octobre, en pleine grève pour la réforme des retraites, des internautes avaient ainsi révélé leurs salaires – primes comprises – sur les réseaux sociaux, en soutien aux grévistes dans les raffineries. Un maître de conférences affiche ainsi ses huit ans d’ancienneté et ses 2 500 euros net par mois. Un cadre dans l’informatique explique percevoir 4 800 euros brut mensuels. Une salariée vétérinaire touche 2 500 euros net, également pour « 40 heures par semaine, plus astreintes, plus gardes, plus la pression ». Cette tendance ne se limite pas aux seuls mouvements d’humeur sur les réseaux sociaux : toujours d’après le sondage YouGov management, plus de 6 Français sur 10 ont affirmé qu’ils se sentiraient mieux si leur rémunération était connue de tous leurs collègues.
La transparence peut être faite à deux niveaux. Le premier est une semi-transparence : celle des grilles de salaires, qui permet de savoir où sa rémunération se situe par rapport à un secteur ou à un domaine. Dans la métallurgie, par exemple, les conventions collectives affichent des barèmes qui varient, selon les forfaits, entre 20 522 euros et 83 294 euros par an. « Mais de ce que j’ai pu voir dans le secteur, comme dans celui de la restauration rapide ou du bâtiment, ces grilles ne donnent pas une représentation exacte des salaires dans ces professions, qui sont toujours, en moyenne, plus élevés que ce que l’on voit dans les conventions collectives, note Mᵉ Jean-François Charroin, avocat spécialiste du droit du travail. Précisons d’ailleurs qu’un certain nombre de conventions collectives (et notamment celle de la restauration rapide) sont peu favorables aux salariés, et peuvent même prévoir un niveau de rémunération inférieur au niveau légal. »
« Avoir une vision réaliste du marché »
D’autres entreprises – comme celle de Caroline – mettent en place des grilles salariales spécifiques. « On voit beaucoup ce réflexe s’installer dans les start-up, qui ont tendance à afficher la transparence pour attirer les talents », explique Guillaume Leboube, fondateur de Leboube Marketing, qui conseille et accompagne des entreprises dans leurs recrutements. Tatiana*, ancienne directrice des opérations de plusieurs start-up, aujourd’hui employée dans le secteur public, partage cette observation. « J’ai essayé d’établir des grilles et des règles systématiques pour les structures où j’ai travaillé. En regardant les valeurs du marché poste par poste, en prenant en compte la séniorité, j’ai tenté d’établir des fourchettes de salaires, raconte-t-elle. Je pense que c’est plus juste qu’une pure négociation en face à face. »
Le second niveau – celui de la transparence complète – donne à voir l’ensemble des salaires de chaque société. « Ce qui est plus difficile à obtenir, mais qu’il faut démocratiser », estime Marie*. Cette jeune avocate d’une trentaine d’années explique « appeler les gens employés dans d’autres cabinets pour leur demander leur rémunération ». « Nous nous incitons aussi les uns et les autres à diffuser les grilles de chaque cabinet », poursuit-elle. Là où d’autres – « surtout les plus âgés », glisse-t-elle – pourraient voir un conflit de loyauté, elle estime qu’il s’agit d’une question de survie. « C’est le seul moyen que nous avons d’avoir une vision réaliste du marché afin de ne pas nous tirer les uns et les autres vers le bas », raconte-t-elle. Communiquer, afin de mieux négocier : « Dans un marché du travail qui bénéficie au salarié comme en ce moment, ce qui est rarissime, on a tous intérêt à être transparents pour rééquilibrer les rapports de force et instaurer de bonnes pratiques », estime Sarah*, la trentaine, également consultante dans le secteur privé.
Directive européenne
Dévoiler le montant de sa rémunération quand on est encore en poste n’est toutefois pas sans risque. « L’individualisation de la rémunération entraîne des écarts de salaires sur des postes similaires, et donc leur communication, souvent des conflits individuels », relève Daphnée Breton, psychologue du travail et des organisations. Comprenez : révéler son salaire peut entraîner des jalousies. Dévoiler son jeu pour avoir de meilleures informations peut en valoir la chandelle, mais à condition de le faire auprès de personnes de confiance. « Quoi qu’il en soit, sachez que vous n’avez pas à vous justifier de votre rémunération, insiste la psychologue. C’est à la direction d’assumer. » Si la spécialiste ne préconise aucune politique particulière, préférant « laisser le choix de la transparence à chacun », elle relève tout de même une chose : « Dans toutes les entreprises où je suis allée, la transparence des rémunérations a été sujette à crispations. »
En dépit de l’élan des Français pour éventer ces semi-secrets, l’Hexagone est donc loin de la clarté norvégienne. Il faudra pourtant bientôt s’y mettre… au moins un peu : le 24 avril, le Conseil de l’Union européenne a adopté une directive sur la transparence des salaires. Destinée à être transposée dans le droit français d’ici à trois ans, elle prévoit que les employeurs informent les candidats du montant ou de la fourchette de rémunération des annonces publiées.
* Les prénoms ont été modifiés.
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